Mes Boobs,
vous et moi, depuis toujours, c’est une histoire de désamour.
Il y a treize ans, j’faisais appel à l’Univers pour que vous vous manifestiez, et commenciez à squatter mon corps. Que vous gonfliez tels de jolis ballons de baudruche plein d’hélium. J’me sentais différente, pas normale. J’étais petite, plate, alors déjà que personne ne m’aimait au collège, vous m’avez franchement pas rendu les choses faciles. Si vous saviez, ma soeur qui était en sixième paraissait plus sûre d’elle et plus grande que moi. Pathétique, n’est-ce pas ? Alors tous les soirs, j’me demandais pourquoi j’étais pas pareille que les autres, si avec un 90B j’aurais eu plus de potes. Bon, j’avais quinze ans les gars, j’étais pas forcément maline. C’est clair que c’est pas les potes que j’aurais attiré avec une paire de loches. Mais la question n’est pas là : déjà, à l’époque, vous me désobéissiez.
Puis, deux ans plus tard, après votre gigantesque sieste de dix-sept ans, vous avez décidé de vous manifester. Trop. Vraiment trop. A ce moment-là j’me suis dit, c’est pas possible, vous me détestez. Un juste milieu paraissait trop vous demander, alors… Vous avez mis le paquet. J’avais un corps d’actrice porno, j’suis sûre qu’intérieurement, ça vous faisait marrer ! « ah elle veut des boobs ? Bah on va lui en donner! »
——-Un ptit trou et puis voilà——
Des années à essayer de vous accepter, de vous muscler, de vous soutenir… De vous porter. Vous supporter. En vain. Heureusement, mon cher et tendre a fini par me permettre de vous trouver raisonnables. Du moins… Vous plaisiez à quelqu’un qui me plaisait à moi, et c’était déjà pas mal.
Comme ce n’était toujours pas l’amour fou entre nous, j’ai eu envie de prendre les choses en main (si je puis dire). J’ai voulu vous décorer. On le sait bien, la déco c’est bon pour le moral ! Alors un ptit tour chez le pierceur et hop. L’un de vous était orné d’un joli bijou. Bon, il semblait rikiki à côté de votre présence colossale, mais à partir de là, je pouvais me regarder torse nu dans la glace sans grimacer (ou presque. Parce que bon. C’est rigolo de faire des grimaces dans la glace, quand même.)
Je crois que ça ne vous a pas plu. Vous avez un peu rejeté mon idée, et commencé à gonfler, gonfler… Bon, il s’avérait que ce n’était pas complètement de votre faute puisqu’un petit pois poussait sous mon nombril. J’ai tenu bon, j’ai laissé mon joli piercing. Je l’aimais trop. Il était trop frais. Trop stylé. Pis ça coûte cher ces conneries.
A ce moment-là, j’ai arrêté d’envisager de vous faire passer dans un joli soutien-gorge. Exit la lingerie sexy qui me donnait presqu’envie de poser pour des photographes, Bonjour brassières et machins laids qui soutiennent correctement tout en ayant un petit côté « salut j’ai quatre-vingt-dix ans ». Puis mon petit pois est né. C’était un joli lardon, finalement. Et vous, vous vous êtes complètement dégonflés.
J’imagine que je devrais vous remercier, parce que j’avais une super silhouette pour mon mariage. Même si la retouche robe n’a pas suffi à la faire bâiller.
Je pense que vous avez un souci. Vous êtes un peu trop manichéens : c’est tout blanc ou tout noir chez vous, y’a pas de gris, pas de nuance. Juste « fat or flat ». (*gros ou plat)
Tous les deux, vous étiez là, sans être là. Heureusement, l’un de vous toujours accessoirisé. Nous étions ensemble depuis à présent huit ans, et vous continuiez à me faire tourner en bourrique.
Et puis… Vous m’avez permis de me rendre compte qu’un deuxième petit pois était apparu. Tout d’un coup, face au miroir, ma brosse à dents dans la bouche, mes yeux écarquillés, j’ai constaté qu’il y avait quelque chose de changé. Plutôt quelque chose de revenu. Test positif, le ptit Champi avait fait son nid. Et vous, vous vous êtes de nouveau développé. Scandaleusement trop, à votre habitude. Mais j’avais commencé à m’y faire.
——-Et l’on voulût allaiter——
Tous ces complexes, tous ces moments indélicats ou difficiles à vivre, n’étaient rien comparé à ce que vous m’avez fait subir à la naissance de Champi. Il serait trop facile de vous mettre toute la faute sur le dos, je le conçois, de toute façon, mettre quelque chose sur le dos de seins ça paraît plutôt compliqué, littéralement, mais je vous en veux un peu, quand même. Soyons honnêtes.
Comme vous le savez, j’ai tenté d’allaiter mon Prince. Il n’a d’abord pas voulu la tétée de bienvenue. Il l’a refusée catégoriquement. Faut dire ce qui est, vous avez beau être énormes, vous n’êtes physiologiquement pas faits pour nourrir un enfant.
Parfois j’me demande quelle blague les types à l’usine (pour raccorder avec le sketch de Foresti) m’ont fait :
« hey, pour celle-là, si on lui mettait pas du tout de seins, puis tout d’un coup, bim, des bien hard core, et puis on les rend inutilisables pour leur fonction première, okay? »
« ah ouais, lolilol, on va s’poiler! »
» en parlant de poils, t’en as pas mis assez, là. »
J’ai fini par réussir, c’était douloureux, c’était laborieux. Mais j’étais fière de moi. J’avais réussi à prendre le dessus sur ce qui me rebutait, j’étais passée outre mes complexes pour le bien de mon enfant. ça marchait mal, mais ça marchait. Aidée de mon mari d’amour, qui m’a acheté tous les trucs et les machins pour aider au maximum l’allaitement, je me sentais soutenue, mais ce n’était pas suffisant. Je souffrais, beaucoup trop. Vous n’avez rien facilité : crevasse, engorgement, tout le toutim… Ma sensation d’exclure le grand, le papa, au détriment de vous, mes boobs, à essayer de tout faire pour que vous me fassiez ce plaisir : me donner l’impression que, pour une fois, que j’avais de la force. Du caractère, de la détermination.
J’vous parlais, j’vous traitais avec soin et douceur (et ceci n’est pas l’amorce d’un nouveau tome des 50 nuances de Grey), je vous chouchoutais. Pourquoi n’avez-vous pas daigné me renvoyer l’ascenseur (mis à part que vous n’ayiez pas de doigt pour appuyer sur le bouton) ?
Alors, j’ai cédé. Je ne m’en suis pas voulue, le sevrage a été salvateur pour moi, et pour mon fils qui, de toute façon, ressentait mes crispations et mes larmes. Aujourd’hui, avec un peu de recul, alors que je n’avais pas eu cette impression en retournant au biberon, je me suis sentie faible.
L’impression de vivre comme un petit deuil, une sensation d’impuissance, de détresse. J’ai également ce regret de n’avoir pas voulu essayé avec le premier, terrorisée à l’idée de mal faire, et laissée seule par le corps médical. Etant entourée que de non-allaitantes et ayant été la première à faire un bébé parmi mes copines (ou presque), je me suis sentie perdue et je n’ai pas eu l’envie de tenter. Ce manque a été rattrapé puisqu’aujourd’hui je considère que j’ai essayé. J’ai pu offrir quelques semaines de lait maternel à mon nourrisson, et je suis fière de ça. Mais comprenez, chers boobs, que votre entêtement à me rendre la vie difficile commence à être lassante.
Les problèmes physiques engendrés par votre pesanteur (maux de dos, incapable de me tenir droite), ne sont rien à côté de la douleur psychologique face à un échec. Porter toute ma colère, ma frustration, sur deux morceaux de chair qui, finalement, m’appartiennent, est pour moi la meilleure façon de cracher les regrets qui m’étouffent, le dégoût que je vous manifeste, la déception que je ressens.
Dans un sens, je vous remercie, chers boobs, pour cette relation chaotique. Grâce à cela, je garde une forme d’humilité, j’ai toujours ce peu de confiance en moi qui me rend battante. Je veux faire mes preuves, montrer au Monde que je suis mieux qu’il ne le pense. Si vous m’aviez laissée être une jeune femme pleine d’assurance, peut-être que je n’aurais pas autant d’empathie, et ne serai pas cette petite paumée qui a fait craquer le cœur de mon grand Geek. Dans chaque expérience mauvaise, il y a du positif à en tirer. Mais ça… C’est le sujet d’un autre article.
… Eh bé. Je ne pensais pas écrire autant. A croire que j’en avais gros sur la patate ! Mais il fallait que je vous dise, chers boobs, j’aurais aimé, pour une fois, réussir à vous combattre, et gagner.
Ahhhhhhh, les boobs … ‘-_-
Le grand sujet où finalement, personne n’est jamais content avec ce qu’il a …
Je compatis pour l’allaitement qui n’a pas pris, malheureusement ça arrive … et comme tu le dit pour ton premier, on ne peut pas dire qu’on soit bien accompagné par le corps médical :-S
Mais ta conclusion est magnifique : avec des « et si … », on mettrait Paris en bouteille !! Mais finalement, ce sont nos failles et nos erreurs qui nous façonnent, bien plus que les facilités 😉
PS: j’espère que tu réussira as trouver de beaux sous-vêtement pour boobs grande taille, c’est qd même plus sympa ;-P
Il y a maintenant de très belle lingerie pour les grandes tailles. Mais il faut bien admettre qu’il n’y a pas beaucoup d’années que cela existe.
Je t’admire et te comprends.
Mon problème à moi était l’inverse du tien. A 15 ans, il n’y avait rien, rien qu’une planche à pain. A 16 ans, hum guère mieux, A 17 ans j’ai enfin pu mettre un soutien-gorge. Un soutien quoi ? Oh pas grand chose. et je suis arrivée à pouvoir porter la plus petite taille qui existait à l’époque …. il y a cinquante ans. Et toute ma vie j’ai eu des complexes. Pas questions de porter de jolis décolletés. Mon premier mari voulait que je me fasse opérer pour donner du volume. Heureusement que nous n’avions pas l’argent pour cela. Je sais que moralement cela aurait une catastrophe. Mais cela en était une de n’être pas acceptée telle que j’étais par l’homme que j’avais épousé. A la naissance de ma fille, j’ai voulu l’allaiter, me sentir femme, me sentir encore plus mère. Ce fût la bérézina : tu as connu cela Ariane : des crevasses, le sang qui coulait, des engorgements, des douleurs à hurler, ma fille qui pleurait parce qu’elle avait faim. Malgré des essais infructueux à essayer de tirer le lait avec une tireuse, cela ne marchait toujours pas. Et bien entendu, à cette époque encore moins que maintenant, aucune aide à attendre du personnel médical, ni de mon entourage. Je me suis résignée à mettre ma petite puce au biberon -elle pesait 2 kg 920 à sa naissance- aussi n’avait-elle pas grossi loin de là. Elle a récupéré plus vite que moi. Lorsque que ses deux frères sont nés un, et deux ans après elle, je n’ai pas voulu retenter la chose. Et pourtant, lorsque mon quatrième, ton amour à toi Ariane, est né dix neuf ans après sa sœur, j’ai voulu réessayer. Je dois être masochiste. Il était déjà plus gros que son aînée, il pesait 3 kg 640. Ce ne fût pas plus brillant que pour Anne-Laure. Comme on avait été obligée de me faire une césarienne en urgence, je suis restée dix jours en clinique, et cette fois-là j’avais quand même un peu d’aide de la part des puéricultrices, et plutôt que de laisser mon fils hurler, on lui donnait un peu de biberon après la tétée.
J’en ai voulu à dame nature de ne pas m’avoir donné ces deux accessoires qui rendent fières la majorité des femmes, mais qui sont cause pour d’autres de tant de souffrances aussi bien physique que psychologique.
C’est peu dire ma chère belle-fille que je te comprends. Je t’admire aussi. Et je remercie mon fils pour avoir fait le maximum afin de t’aider, de te soutenir.
Je t’embrasse. Embrasse pour moi tes petits qui me manquent et leur papa.