Il y a quelques années je ne comprenais pas l’engouement Montessori. (Cette pédagogie alternative qui repose sur l’éducation sensorielle et kinesthésique de l’enfant.) Pas que ça ne me parlait pas, mais parce que je ne comprenais pas pourquoi on faisait tout un plat d’acquisition à mon sens naturelles au développement de l’enfant.
Transvaser des graines d’un bol à un autre à l’aide d’une cuillère, jouer avec les textures, les couleurs, les sons, les goûts… Tellement de chose de l’aspect sensoriel qui me semblent une évidence. Alors pourquoi en faire tout un plat ?
Premièrement, ce n’est pas si spontané pour tout le monde. Aucun jugement là-dessus mais à l’ère de la consommation où les petits sont inondés sous des tonnes de jouets, où tous les sens sont sollicités en même temps, face à des jeux pleins de peps de bruit et de diversité… Comment penser qu’ils ne sont pas là en train de se développer et d’acquérir des compétences qui leur servira pour l’école ?
Deuxièmement, Montessori ce n’est pas QUE mettre des lentilles dans une bouteille en plastique. Ce n’est qu’un tout petit aspect de sa grande diversité.
Et puis finalement, l’atmosphère qui règne dans une classe Montessori n’a rien à voir avec celle d’un système classique. Et je remercie énormément l’équipe de cette école de m’avoir permis d’observer, de travailler, et de m’imprégner totalement de cette ambiance.
En plus de m’avoir convaincue que les école alternatives étaient l’avenir de notre société (j’assume complètement), je n’ai jamais ressenti une telle expansion dans mon chemin d’épanouissement personnel. J’ai enfin compris où me menait ma vie, ce que je voulais faire. Et pourquoi le faire.
Des questions se sont bousculées pendant six semaines, je n’ai fait que les poser, échanger, me renseigner, ma curiosité était à son paroxysme, je m’abreuvais de leurs réponses, je n’en avais jamais assez, j’ai encore tant de questions aujourd’hui (bonjour, ça sent l’approfondissement prochain!) Je me suis sentie chez moi. Enfin utile, enfin à ma place, j’ai enfin compris le sens de mon existence.
Dans cette classe, j’ai relevé plusieurs choses qui m’ont bouleversée et ont remis en question plein de choses dans ma tête , et qui m’ont donné envie d’approfondir. Et croyez-moi, j’approfondirai.
Mais pour le moment, un résumé sera suffisant, parce qu’il y a bien trop de choses à dire ! Quelques petites observations qui m’ont marquée :
La Liberté
Libre de travailler au rythme de leur choix, libre de choisir la matière à laquelle ils ont envie de se consacrer. Libre de prendre leur temps ou de carburer.
La confiance en soi
Les enfants semblent si sûrs d’eux ! Et si par hasard l’un d’entre eux se sent limité par une situation qui le dépasse, un simple encouragement comme « je sais que tu peux le faire, j’ai confiance en toi, tu en es capable », permet de le voir réussir. Et cette étincelle dans ses yeux, ça vaut tout l’or du monde. Parfois, on pense que faire à la place des enfants, ça leur rend service. Ben, oui, on les aide ! On les aide à balayer quand ils ont malencontreusement cassé quelque chose parterre. Mais non. Il ne faut pas croire qu’ils vivent ça comme une punition, ils sont en constant apprentissage. Ils sont fiers de réparer ce qu’ils ont cassé. Ou de s’occuper des conséquences de leurs actes. C’est ça qui les aide.
L’autonomie
C’est difficile, j’avoue. De toujours les encourager à faire seul, quand ils demandent de l’aide. Mais même si on a envie de répondre à leur requête, détourner la phrase afin qu’ils réussissent par eux-mêmes là où ils se trouvent en échec, c’est si enrichissant, et ils sont tellement fiers d’eux !
J’admets avoir été bluffée par la capacité des enfants à se débrouiller seul. Pourtant, mon Lardon aussi a fait sa première rentrée cette année, mais certaines choses ne m’avaient même pas effleuré l’esprit. Par exemple, je ne l’avais jamais laissé couper un fruit seul. Bé non, y’a un couteau. Mais lorsque j’ai vu cette petite fille de trois ans et demi fendre une orange en deux, la presser sur le presse-agrumes, verser le jus dans un verre et boire son jus de fruits frais, je me suis dit que mon petit Lardon était sans doute capable de beaucoup plus de choses, si j’avais entièrement confiance en lui. Cela m’a permis d’écouter plus attentivement ses requêtes, et d’encore mieux l’accompagner (par exemple, à présent, il nourrit le poisson rouge seul, ou prépare le biberon de son frère seul, parce qu’il m’a demandé de le faire et que je l’ai laissé gérer.)
La réflexion
L’enfant en école Montessori pose beaucoup de questions. Il s’intéresse. Il se débrouille. S’il a un doute, les éducatrices sont là pour l’accompagner, l’orienter. « Qu’en penses-tu, toi? » « A ton avis ? » « Et si tu reformulais? » « Et si tu essayais différemment ? » La solution vient finalement toujours d’eux. Je trouve ça très beau. A observer, c’est enrichissant et émouvant, parce qu’on a du mal, dans notre société, de se rendre compte qu’un petit loulou de quatre ans est capable de grandes choses. On le surprotège ou on le considère comme inférieur, mais on se rend rarement compte du potentiel d’autonomie et de réflexion qu’il a en lui. Même si on l’aime très fort. Alors qu’il suffit juste de le laisser s’exprimer librement !
L’autocorrection, c’est magique.
Et pour les exercices, il y a un système d’autocorrection, si bien que les enfants se rendent compte eux-mêmes de leurs erreurs, ce n’est pas un adulte qui pointe en disant « tu as faux là » ou en collant une étiquette rouge qui sous entend qu’il est incapable (bon j’extrapôle m’en voulez pas les maîtresses!). Ce qui fait qu’avec ce système, certes, il faut avoir assez confiance en eux pour se dire « qu’ils ne trichent pas », mais après tout… ça ne concerne qu’eux, non ?
J’avais entendu une très jolie phrase dans le documentaire « Etre et Devenir » de Clara Bellar. Une jeune femme était interviewée, elle était retournée en système classique pour ses hautes études [elle était déscolarisée], et elle disait « les autres élèves, ils apprennent pour réussir leurs examens. Moi, j’apprends pour moi ». BIMBADABOUM.
Eh bien voilà. Pour moi, cette fonction d’autocorrection a ce but. Les enfants sont les seuls maîtres de leur avenir. S’ils n’ont pas envie de travailler, tant pis. S’ils veulent aller loin dans leurs recherches, go. Dans tous les cas, ce n’est pas à l’adulte présent de décider s’il a juste ou s’il a tort. Quand pour lui son cheminement représente quelque chose.
Le respect (des autres de soi des adultes)
Hiérarchie horizontale, les enfants respectent les adultes au même titre que les adultes respectent les enfants. Je crois d’ailleurs que c’est parce qu’il n’y a pas de forme de domination ou de supériorité que le dialogue est si facile au sein de la classe. Les enfants se respectent entre eux, et s’il y a un problème, ils sont capables d’échanger dessus (oui, même les enfants de 3 ans). Si l’un d’entre eux vient voir une éduc’ en disant « Léo m’a fait maaaal », on lui répond « en as-tu parlé à Léo ? Dis-lui ce que tu ressens à ce sujet », et le petit bout de fesse se dirige vers son camarade pour s’expliquer. Et honnêtement, y’a pas vraiment de vagues. Puisque l’adulte ne se pose pas en juge qui choisit un camp (sans avoir toujours les tenants et aboutissants), l’affaire se tasse, et on passe à autre chose.
Les adultes ne sont pas sources de savoir, ils n’ont pas toujours raison, on ne doit pas leur obéir bêtement. Il n’y a pas de punitions, pas de forcing. Comme dit plus haut, l’enfant respecte l’adulte, l’adulte respecte l’enfant. L’adulte fait figure d’accompagnateur, de guide. Il rassure, mais il n’est pas là pour juger, pour forcer, ou pour gronder. La classe pourrait presque marcher sans présence d’adulte, mais c’est pas très légal 😀
L’enfant n’est pas d’accord : il a le droit. Il peut s’exprimer. Il n’est pas muselé. Il n’est pas compris dans un groupe sans chance de sortir du lot, on ne le prend pas comme bouc émissaire parce qu’il est plus bruyant, qu’ il parle moins, qu’il ait trop de vocabulaire « pour son âge », que ce soit le plus jeune, le plus vieux,…
Et ça, c’est encourageant.
L’enfant est un individu à part entière, et il est accepté dans son individualité. Bien sûr, il y a l’objectif de fonctionner en collectivité, au sein d’une structure qui n’est pas sans règles, mais on respecte son rythme et sa valeur propre.
S’il n’est pas d’accord, très bien. Pourquoi ? Que proposes-tu ? Rien n’est fermé. Les adultes prennent les remarques venant de partout, ils adaptent, ils améliorent, ils fonctionnent en mouvement. Ils ne sont pas enracinés dans un genre qui marche « depuis des années », ils développent, testent, échouent, recommencent. Ils essaient de suivre le mouvement des enfants.
Et si ça ne plaît pas à un enfant, on trouve une solution.
J’imagine bien que ce sont les même objectifs, en école classique, mais force est de constater que lorsqu’on est au sein d’une classe standard (même si toutes ne sont pas pareilles), cette autonomie, cette liberté, cette autodiscipline aussi, ne sont pas les premières choses que l’on remarque.
En mettant les pieds dans la classe, la première chose que je me suis dit c’est « oh lala que c’est silencieux! »
J’ai été fascinée par ce stage, et j’essayerai d’en savoir plus au cours de mes prochaines investigations. Ce billet se lit comme un simple compte-rendu de mes observations pendant ces journées à regarder travailler les enfants. A participer également à l’élaboration de projet. Un compte-rendu à la fois objectif et subjectif. Un petit billet pour expliquer la vision d’une profane au sein d’une structure qu’elle ne connaît pas vraiment. Ce ne sont pas des jugements, pas de la propagande, je rends simplement compte en imaginant que ces mots pourraient attiser la curiosité de certain(e)s. CELA DIT, je pense que s’informer vaut le détour, largement. Ne serait-ce que pour sa curiosité personnelle. S’ouvrir aux autres sources d’éducation, c’est aussi rechercher ce qui convient au mieux à sa famille, même s’il s’avère que c’est l’école standard !
Chers professeurs des écoles, n’y voyez là aucune insulte à votre métier, juste des observations relevées au cours de ces derniers mois très enrichissants. Je respecte votre travail et je vous trouve courageux. Mais je ne crois pas au système dans lequel vous travaillez, et tout ce que j’espère c’est que la mise en lumière de ces différentes façons d’apprendre finiront, d’une façon ou d’une autre, à atterrir au sein de l’éducation nationale pour que tout le monde vive en harmonie (bisounoursland!)
article très intéressant ^^
Je pense que j’aurais été attiré par ce type de pédagogie alternative, si ça avait été dans un budget raisonnable (il me semble que selon les écoles, les prix sont très fluctuant) et possible proche de chez nous (vive la cambrousse bretonne …)
Mais j’espère aussi que petit à petit, ce genre de méthode va pouvoir se développer, particulièrement pour les cycles de maternelles et primaires où l’enfant se construit en tant qu’individu. Le collège me semble déjà un monde plus à part …
Je suis complètement admirative de la pédagogie Montessorri… mais comme pour le commentaire au-dessus, hors de mes moyens ! 😉
La bonne nouvelle, par rapport à ton petit paragraphe de fin, c’est que dans les différentes classes de maternelle où sont allés mes enfants, j’y ai toujours vu quelques activités Montessorri (cadres d’habillage, plateaux avec du sable pour écrire…) : les instits de maternelle sont plutôt ouverts à ce type d’apprentissages et ont plus de liberté pour les mettre en application que les instits de primaire, de ce que j’en vois pour mes enfants 🙂
Bonne découverte à toi !
Très chouette cet article !!! * et je trouve ça beau que tu dises que tu as enfin trouvé ta place et ton épanouissement.
Merci pour cet article ! Pour qqn qui n’y connaît rien c’est parfait : du contenu et une expérience concrète.
Merci pour ton partage
merci à toi <3
Très belle description de ce qui se passe dans une classe Montessori. Mais ne perdons pas espoir, cela arrive dans l’éducation nationale ; entre autre grâce aux travaux de Céline Alvarez (https://lamaternelledesenfants.wordpress.com/ ) qui oeuvre sans relâche pour faire connaître ses travaux dans l’Education Nationale. Je suis moi-même enseignante en maternelle EN et j’applique cette pédagogie depuis cette année à 100% dans ma classe. C’est une vraie remise en question de tout ce qui nous a été appris et probablement pour cette raison que cela ne se développe pas plus vite. Cela demande aussi beaucoup de temps en lectures et compréhension des valeurs de Maria Montessori et d’investissement personnel (formation et achat de matériel à nos frais). Mais quel plaisir de voir l’évolution des enfants tant au niveau des apprentissages que de l’ambiance de classe.
Il me reste encore beaucoup à apprendre à ce sujet, mais c’est aussi un vrai plaisir!
Super témoignage, j’ai de plus en plus envie de travailler dans ce type de structure. Dommage que la formation exige un prix élevé et une incertaine place d’emploi!
Je crois qu’il y a possibilité d’avoir de véritables aides (en cherchant bien), voire se faire payer la formation par l’école directement. Bon courage, vous me direz !
Très bel article. Bien écrit. Ravie que tu aies autant apprécié et que cela t’apporte autant. Au plaisir de se revoir pour ton approfondissement.
super article. plein de pistes intéressantes à appliquer en tant que nounou 🙂