Sans s’en rendre compte, nous, les parents, on a souvent tendance à brider ou empêcher nos enfants de ressentir des émotions négatives. C’est vrai, souvent, on va pointer du doigt le fait que notre fils « fasse le timide » (sûrement pour justifier un manque de politesse sociétale qu’ils n’ont pas forcément encore acquis), soit inquiet sans raison apparente « ce n’est rien », lorsque notre fils a fait tomber un morceau de gâteau parterre et qu’il pleure (là où on cherche à le réconforter, lui se dit « ah? Si ce n’est rien, pourquoi ça me bouleverse? »), soit on cherche à arrêter une colère « arrête un peu la comédie! » « ne pleure pas ! », ou encore à diriger leurs sentiments « mais si tu aimes ton frère », « mais non tu ne me détestes pas, arrête! »
En bref, les phrases qui empêchent les émotions négatives sont nombreuses dans notre bouche, mais ça n’arrive jamais qu’un parent dise « arrête un peu de dire que tu m’aimes » ou « de montrer que tu es heureux » xD
Quelques conseils pour réagir de la bonne manière face aux émotions négatives :
- En tant que parent : être calme, disponible, à l’écoute. Ce n’est pas toujours le cas, je sais ^^
- Si on est blasé, énervé ou triste, on respire et on compte jusqu’à dix. Il est connu qu’une respiration calme empêche de péter une durite.
- Pour les enfants : on accueille l’émotion : c’est-à-dire qu’on accepte qu’elle existe, on la nomme (ou on l’invite à la nommer) avec une phrase type « Je comprends que tu te sentes… » ou « comment te sens-tu ? » ou « tu te sens en colère/triste? »
- On peut l’inviter à parler dessus : « Raconte-moi ce qui te rend triste/en colère » , « dis-lui comment tu te sens » (si ça se passe entre frères/soeurs/copains), « Dis-moi ce qu’il se passe dans ton coeur ». (on évite le pourquoi x) )
- On peut lui proposer des outils pour que l’émotion passe et laisse place à une plus joyeuse (j’en ai plusieurs à vous proposer mais ça fera l’objet d’un autre billet sinon on va pas atteindre le sujet de celui-ci !)
Pourquoi a-t-on du mal à voir un enfant exprimer des émotions négatives ? C’est naturel ! Ce n’est pas pour autant qu’il est mal élevé ! On en ressent tous, n’est-ce pas ? Et ça va bien mieux une fois qu’on en a parlé. Cela vient sûrement du fait qu’enfant, on nous a souvent bridé là-dessus. Un garçon, ça ne pleure pas, c’est fort. Une fille, ça chouine tout le temps, c’est casse-pied. Et puis arrête la comédie, et tais-toi t’es bruyante, et silence un peu, et c’est bon, c’est rien, arrête, t’as pas mal… et bla et bla. Ce qui fait que nous, en tant que parent, on prend ça comme un reflexe. Quoi de plus normal ? Nos parents l’ont fait, on n’est pas mal élevé ! (mais qu’est-ce qu’on est névrosés haha!)
Nous transmettons à nos enfants ces mêmes inhibitions psychologiques : ce même empêchement de ressentir le négatif parce que c’est mal vu. Alors, oui, je suis optimiste et je me focalise sur le positif de ma vie, mais non, je ne refoule pas (plus) mes émotions. Car c’est ainsi que les cocottes minutes explosent ! En plus, comme on a été habitués à les nier, on n’arrive même pas à les reconnaître ! On se met dans une colère noire, on sait même pas pourquoi. C’est si dommage d’être si déconnecté de soi… Alors je pense que c’est un vrai cadeau que d’autoriser nos enfants à exprimer leurs émotions, bonnes et mauvaises. Même si c’est relou. Parce qu’ainsi, ils apprendront à les reconnaître, à les gérer, peut-être même à les maîriser (et mieux que nous!). Un enfant qui est violent est souvent plein d’émotions et ne sait pas comment les vivre alors il explose. Parfois, comme il sait qu’il n’a pas le droit de ressentir tout ça, il profite du dos tourné de maman pour être scandaleux avec son frère, et ça, c’est vicelard ! Autant l’éviter au max.
C’est vrai qu’un enfant qui va te regarder effrontément, plein d’assurance, et te dire « Maman, je suis en colère parce que tu ne veux pas me donner ce que je veux! » ça peut avoir un aspect insolent, mais moi j’avoue que j’adore. Je ne cède pas pour autant, je lui dis que je comprends sa frustration, on discute, au bout d’un moment ça se décante, ou pas, parfois il boude, parfois il « force » en pensant que je vais céder… Mais non. Pour moi, c’est un signe de bonne santé mentale, qu’en disent les gens 🙂
Les enfants ne sont pas capables de nuances, pour le moment. Tout est très intense, chez eux (parlez-en à mon deux ans), et toutes les émotions sont identiques. Ils ne font pas la distinction entre « les bonnes » et « les mauvaises ». Souvent, dans le doute, en voyant que les émotions négatives ne sont pas autorisées à la maison, ils vont tout refouler. Les bonnes, et les mauvaises. Dans le doute, ils veulent pas se planter. ça nous donne des adultes incapables d’exprimer quelconque émotion, même de les reconnaître. Des gens apathiques. La tristesse. Et bizarrement, ça se retrouve souvent chez les hommes. Pourquoi ? Parce qu’on leur a encore plus bourré le crâne sur le fait qu’un homme ça doit encaisser.
Et puis, on devient un adulte incapable de voir un serpent-boa qui avale un éléphant, la vie est si triste alors ! Tous les enfants et tous les adultes ont besoin d’être compris. Et ça passe nécessairement par la communication (non violente, car dépourvue de manipulation consciente ou inconsciente), et l’expression des sentiments. Les gars, y’aurait plus de guerre si on était tous élevés dans ces valeurs là ! *_* Je m’égare.
La sympathie (c’est-à-dire partager l’état de l’autre en déplaçant sa conscience vers celle de l’autre), la compassion (on ressent la douleur de l’autre et on est tenté de vouloir la guérir) et l’empathie (c’est-à-dire ressentir soi-même le sentiment que l’autre ressent et en saisir toute la puissance et entrer en résonnance avec eux) sont des outils indispensables à la bonne expression des émotions, pour se comprendre d’humain à humain, quoi (même si l’empathie suffit mais bon, ce n’est pas si répandu!). Bien sûr, bon nombre d’entre nous est sympathique ou compatissant « Je comprends », « Je suis triste pour toi », « ça me touche », « Ma pauvre »…. mais en vrai, il suffit juste de réfléchir les sentiments : « Tu es triste. » « Je vois que tu es fâché. »
Pas la peine d’essayer de rassurer, de trouver une logique, une solution, de dire « moi à ta place », d’analyser, de juger qui a tort ou raison. Pas la peine non plus d’arbitrer ou de prendre parti.
Il suffit d’être connecté à l’émotion. Sincèrement.
Exercice :
« Hibou m’a griffé ! »
Là, j’ai tendance à demander ce qui s’est passé, en ignorant complètement les émotions des deux. Je vais par la suite « disputer » Hibou (qui n’a pas à griffer), et demander à Loupi si ça va (et ça ira vu que j’aurais pris sa défense). Je me positionne comme Juge, comme Arbitre. Je compatis, et je gronde.
Pour refléter ses émotions, je devrais dire :
« Oh, Hibou t’a griffé ! » Je reprends exactement ses termes, ainsi Loupi sait que je l’ai entendu.
« Oui ! C’est pas cool ! »
« Comment tu te sens ? » Je lui demande d’exprimer ses émotions, qui vont forcément être « négatives ». Je l’autorise à le faire.
« Fâché/Triste! »
« Tu es fâché. »
Là à chaque fois qu’il dit une phrase, on la répète. Il sait qu’on l’entend, qu’on écoute activement.
« Oui, j’ai mal. »
« Tu as mal, parce que tu t’es fait griffer par Hibou. » (on évite le « hibou t’a griffé, genre on accuse, même si c’est vrai) « Qu’est-ce que je peux faire pour toi? »
On l’invite à nous dire ce dont il a besoin pour se sentir mieux. ça peut être un câlin, de l’eau sur le bobo, un pansement… ça peut aussi être « Gronder Hibou », auquel cas je répondrais « Je vais lui parler, oui, griffer ce n’est pas autorisé. » Ce qui rassurera Loupi. Mais je ne gronderai pas Hibou. Si seulement je suis bien disposée, parce que je fais au mieux avec mon état du moment, évidemment.
J’irai donc voir Hibou (et non pas lui demander de venir, parce qu’il sait qu’il a fait une bêtise donc il ne voudra pas venir, évidemment).
« Comment ça va, Hibou? » et pas « Pourquoi t’as griffé ton frère? » (accusation, question du pourquoi trop complexe pour les enfants.. Vaut mieux des questions fermées, à choisir, où ils ne peuvent répondre que par oui ou non)
Il risque de me dire « Loupi lalaala truc mal blabla » (il a ses raisons, quoi). Je répondrais alors exactement ce qu’il me dit (avec des phrases d’adultes), ce qui lui permet de constater que je l’écoute, que je le comprend, et que je suis disponible pour parler et être connectée à lui. Je ne vais pas le gronder, il n’a pas besoin d’être sur la défensive.
Je mettrais sur le tapis : « Loupi s’est fait griffer ». Pour qu’il prenne conscience. Je lui dirai que ce n’est pas autorisé à la maison, et que préfère qu‘il s’exprime avec des mots. Et que s’il ne trouve pas les bons mots, il peut s’éloigner. Mais pas faire mal. Je lui dis « Compris? » pour être sûre qu’il a saisi (au moins écouté).
Mais ça ne suffit pas, car quand on fait une bêtise, on s’excuse et on répare
« Que dois-tu faire, à ton avis, maintenant, pour Loupi ? »
« Pardon. » (bon ce n’est pas toujours aussi simple hein, mais je préfère éviter de lui dire de dire pardon. ça aussi, c’est lié au fait de se comporter ainsi. Moi en tant qu’adulte je m’excuse quand je fais une erreur. Ils le savent, en théorie )
« Okay tu t’es excusé, et maintenant, que dois-tu faire ? » Et là, il trouve une solution adéquate pour réparer sa bêtise. En l’occurrence il s’agit de griffure donc c’est complexe dans cet exemple. Plus probant quand il détruit une tour (qu’il reconstruit alors), ou qu’il envoie voler le doudou de son frangin (qu’il va donc rechercher). Je dirai que dans cet exemple il aura tendance, soit à faire un câlin, soit à faire un bisou sur l’endroit de la griffure, soit à dire « je ferai plus ».
Sans essayer de changer de sujet, de raisonner, de passer à autre chose, on accueille juste les sentiments de l’enfant. On est présent, on l’écoute. Qu’il ait tort ou raison, ce n’est pas le problème. S’il apprend à gérer ses émotions, il apprendra à trouver des solutions par lui-même pour désamorcer ce désagréable ressenti. Notre rôle à nous, c’est de fixer des règles, et de les guider pour qu’ils puissent les respecter.
Refléter les émotions, ça suffit en général à apaiser les conflits. ça évite de rajouter l’huile sur le feu (surtout en fratrie) de « il/elle prend toujours sa défense ». Et en plus, ça augmentera la confiance que nos enfants éprouvent pour nous, sachant que, quoiqu’il arrive, on écoute.
Ils sauront reconnaître leurs émotions si cela se reproduit, grâce aux sentiments qu’on leur aura reflété.
Nous, les adultes, on essaie de trouver des solutions, tout le temps. On dédramatise, on veut apaiser les souffrances, on veut changer les idées de la personne triste ou en colère. Combien de fois nous sommes-nous entendus prononcer « j’ai juste besoin qu’on m’écoute » quand face à nous, quelqu’un tentait de nous raisonner. Juste besoin d’être entendu. D’être compris.
J’adore vos photos surtout celle avec les masque 🙂
C’est vrai que les émotions des enfants doivent être compris par les adultes !
Merci beaucoup ! <3 Oui, faudrait que les adultes comprennent leurs émotions entre eux aussi ! Belle journée !
Et oui, tellement de personnes ont juste besoin d’être entendu et seulement ça !
Tellement <3
bon, bien y’a plus qu’à s’entrainer! c’est tellement dur d’arrêter de donner des conseils et des solutions à tout va! parfois en même temps que je parle je me dis « mais tait toi!!! » et pourtant ma bouche parle quand même!
haha t’inquiètes, j’écris souvent « pour me convaincre » car je suis encore loin d’avoir atteint cet état là de « simple écoute empathique »… Moi aussi je m’autoflagelle souvent après coup ! Mais on est sur la bonne voie !