J’avais envie de partager avec vous un extrait de l’introduction de mon manuel « Je joue. J’apprends » qui sera un recueil d’activités pour enfants (j’emploie le mot manuel car je crois que je n’assume pas de le catégoriser comme un livre vu que c’est beaucoup de pratique dedans, comme le manuel de yoga, mais un jour j’oserai !)
Dans mon manuel d’activités, j’ai réalisé une table des matières par période sensible de l’enfant.
Qu’est-ce qu’une période sensible ?
Selon Maria Montessori (qu’on ne présente plus mais je vais quand même le faire rapidement, il s’agit d’une femme médecin, pédagogue et philosophe italienne fin XIXe début XXe siècle qui a consacré sa vie à l’amélioration du potentiel humain, en s’attardant sur le développement de l’enfant, ce qui n’était pas une mince affaire à cette époque, déjà qu’aujourd’hui on a du mal à faire entendre les droits des enfants… Bref, une grande femme qui s’est battue toute sa vie pour que l’on comprenne qu’un enfant n’est pas un adulte en miniature, mais un être en construction qui n’est pas comme un vase que l’on remplit, mais plutôt comme une source que l’on devrait laisser jaillir. ) l‘enfant traverse six périodes sensibles au cours des six premières années de sa vie.
1- La période sensible de l’ordre
2- La période sensible du raffinement des sens
3- La période sensible de la coordination des mouvements
4- La période sensible du langage
5- La période sensible du développement social
6- La période sensible des petits objets
Comme l’a si justement dit l’auteure de « Vivre la pensée montessori à la maison », Emmanuelle Oppezzo :
Une période sensible est une période particulière et limitée dans le temps pendant laquelle l’enfant est inconsciemment et irrésistiblement sensible à certains aspects de son environnement, en excluant d’autres.
C’est-à-dire que l’enfant devient rigoureux dans une des six périodes (périodes qui parfois se chevauchent) et cela l’obsède et l’absorbe jusqu’à ce qu’il en sorte. Ces prédispositions intérieures l’orientent vers un type de jeu, un type d’exploration qui nourrira ce besoin d’apprendre dans ce domaine précis.
C’est à ce moment-là que l’enfant va acquérir une capacité particulière, et si l’on est attentif aux périodes sensibles, ces capacités seront acquises de façon naturelle et simple
(plutôt qu’un forcing souvent inutile comme on peut le voir parfois : si un enfant ne semble pas intéressé par la marche, alors qu’il enregistre du vocabulaire, c’est tout à fait normal car il est en période sensible du langage, et donc cela ne sert à rien de le forcer à marcher, car il sera capable d’acquérir aisément cette capacité lors de sa période sensible de la coordination des mouvements)
1- L’ordre
Dès sa naissance, l’enfance est sensible à l’ordre. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est très bénéfique d’installer des rituels, des routines. Cela le rassure, lui permet de comprendre son environnement, de lui donner un sens. L’enfant se met à classer les gens, les choses, les endroits, dès son plus jeune âge pour se repérer. Cette phase s’intensifie autour de 2ans, puis s’estompe de nouveau vers 4 ans. (les âges donnés sont approximatifs, pour vous repérer, mais ça dépend vraiment de chaque enfant)
La construction de pensée s’élabore alors, grâce à l’ordre que comprend son environnement (les routines, les jeux toujours à la même place, les personnes qui font partie de son paysage rassurant…).
Grâce à l’ordre dans sa vie, l’enfant se sécurise, comprend mieux les codes, arrive à trouver sa place dans le monde.
Lors de sa période sensible de l’ordre, l’enfant va se mettre à aligner des petites voitures, classer par taille, par couleur, voire criser dès qu’on déplace un truc auquel on n’aurait pas dû toucher. Il va réclamer les rituels, le brossage de dent, le coup de peigne dans les cheveux, il va s’installer toujours à la même place pour manger, ou encore réussir à identifier les objets mal rangés, et les remettre à leur place.
Comment remarque-t-on qu’un enfant est en période sensible de l’ordre ?
ça ne vous est jamais arrivé de le trouver un peu maniaco sur les bords, ou de vous dire « bah dis donc, la crise parce qu’il voulait pas le gobelet bleu! » (sans vous demander si les autres jours vous n’aviez pas, sans faire attention, donné toujours le gobelet vert?) Ne cherchez pas : il est en période sensible de l’ordre !
2- Le raffinement des sens
L’enfant construit tout son monde à travers ses sens. Il faut qu’il touche, qu’il sente, qu’il mette à la bouche ce qui l’entoure. Il s’en imprègne, en dresse un schéma plus clair, arrive à saisir le monde grâce au sensoriel.
Bon nombre de grands enfants (comme moi) utilisent toujours ce système un peu animal pour saisir quelque chose. Je fonctionne pas mal aux odeurs, mais surtout au toucher et à la vue (mémoire photographique, ça vous parle je suis sûre !) Quand certains seront plus sensibles à écouter un cours pour l’enregistrer, pour ma part il faut des couleurs et des dessins dans les marges des notes pour que je mémorise. Passer par les sens permet de glisser de façon compréhensible de l’abstrait au concret (et c’est notamment pour ça que je suis pas douée en maths, trop abstrait et pas assez sensoriel pour que j’aie pu saisir l’essence du truc.)
Plus l’enfant baigne dans un environnement où ses sens sont en éveil (un par un c’est encore mieux, genre les jouets multi-couleur multi-bruit ont une tendance à brouiller la perception, parfois le plus simple fonctionne le mieux ! Je dis ça, mais je suis la pro du colorful hein. Je partage juste ce que j’ai appris en formation 😉 , plus il façonne son monde, développe son intelligence, mûrit.
Comment remarque-t-on qu’un enfant est en période sensible du raffinement sensoriel ?
Avez-vous déjà remarqué toute la concentration chez un nouveau né qui observe un mobile ? Qui touche une cuillère en bois ? Qui goûte pour la première fois à de la courgette ? C’est fascinant !
3- La coordination des mouvements
Cette période sensible comprend des tas d’acquisitions : maintenir sa tête, se tenir assis, à quatre pattes, debout, grimper, sauter, courir, ramper… Grâce au système vestibulaire de son corps, à sa motricité, l’enfant peut bouger (sans dec) et donc aller explorer encore un peu plus le monde, le découvrir et le comprendre. Le corps en mouvement au service de l’intelligence : comprendre où on est et quels sont les choses à portée.
Au-delà du mouvement du corps entier, il y a aussi ce que l’on appelle la motricité fine : cette sensibilité pour la précision des gestes : tenir un stylo, attraper un objet, le relâcher, enfiler des perles, couper une pomme… Tous ces mouvements spécifiques qui demandent un entraînement intensif avant d’être maîtrisé.
Encore une fois, rien ne sert de pousser à l’acquisition car il faut attendre que le corps du bébé soit physiologiquement prêt pour acquérir ces aptitudes. Par exemple, d’un point de vue anatomique, un bébé de 5 mois n’est pas capable d’attraper un objet en pince supérieure (c’est-à-dire d’attraper quelque chose entre son pouce et son index), il faudra attendre environ 9 mois pour que cette indépendance manuelle n’arrive.
Comment remarque-t-on qu’un enfant est en période sensible de la coordination de mouvement ?
L’enfant cherche à bouger sous n’importe quel prétexte (voire s’énerve quand il n’y arrive pas), ou alors il se concentre longuement sur des manipulations fines. Il semble tellement absorbé qu’il peut y rester de très très longues minutes, c’est souvent impressionnant !
4- Le Langage
Dès la vie in utero, le foetus, puis le bébé, est attiré par le langage. D’abord entendre la voix de sa mère, ses proches, puis ensuite de façon inconsciente, absorber les phonèmes, les mots, leur signification lors de la première et seconde année. Vers deux ans, il y a l’explosion du vocabulaire où on a l’impression que chaque jour notre enfant sort un nouveau mot, c’est assez extraordinaire de voir tout ce qu’ils ont emmagasiné !
Cette période sensible comprend à la fois le langage oral et le langage écrit et le langage lu. En général, les enfants commencent à s’intéresser aux symboles de l’écriture lorsqu’ils se mettent à imiter les adultes (à partir de 2 ans mais ce n’est pas toujours le cas, la période forte étant vers 3-4 ans). Quant à la lecture, c’est un peu en parallèle, mais un peu plus tardivement. Après, ça dépend de chacun. Ici mon fils aîné lit plus aisément qu’il n’écrit.
On dit qu’il est dans sa période sensible quand il phase dessus particulièrement (c’est cyclique) mais au final, il est dans la période sensible du langage de la naissance à 7-8 ans XD
Comment remarque-t-on qu’un enfant est en période sensible du langage ?
Quand il demande ce qu’il y a écrit sur tout ce qu’il voit, quand il est attiré par les livres, quand bébé il cherche à faire sourire ses parents en prononçant des syllabes random, quand il commence à intégrer les sons, le graphique des lettres mais surtout qu’il semble s’y intéresser de lui-même. Il y a des façons totalement différentes de s’accaparer la compréhension des mots, la lecture et la diction. le principal c’est d’être à leur écoute, et de leur apporter de quoi alimenter leur « passion du moment » (sans les surstimuler, évidemment).
5- Le développement social
Nous sommes nés pour vivre en société. Pour être en appartenance auprès de nos pairs. Notus avons un instinct grégaire, un comportement qui nous pousse à nous rassembler et à adopter un même comportement. C’est pourquoi, dès la vie in-utero, les six premières de sa vie, et en somme, tout le long de son existence, l’enfant développe un comportement social dans le but de trouver sa place et d’appartenir au monde.
Il passe d’abord par une phase où il comprend qu’il est une autre personne que sa maman, et le détachement à la mère invite l’enfant à prendre conscience de lui-même, puis, peu après, des autres. Le comportement d’imitation s’installe rapidement : on voit des petits bouts enfiler les chaussures trop grandes de leurs parents ou faire semblant de téléphoner, jouer à la poupée, ou encore à faire semblant d’écrire. Vers trois ou quatre ans survient la découverte des règles en société (largement mises en pratique lors de la rentrée en maternelle). Ce n’est que quelques années plus tard que les enfants intègrent totalement ces comportements sociaux, pour laisser place ensuite à d’autres étapes du développement social.
Comment remarque-t-on qu’un enfant est en période sensible du développement social ?
Quand l’enfant veut faire seul. Tout tout seul. Même quand ce n’est pas le moment, même quand on est pressé, même quand il n’en est pas (encore) capable. Il s’exerce, et semble avoir besoin de faire par lui-même pour intégrer les règles.
Ou quand il semble attiré par les copains, qu’il veut jouer « avec » et pas « à côté de ». Quand il n’a d’yeux que pour ses pairs et que ça passe avant ses parents (notamment).
6- Les petits détails
Tous les enfants passent par une phase où ils se fascinent pour le minuscule. Ce gravillon, cette miette que t’as laissé traîner sur le tapis et que ton enfant gobe (ouais, ouais, ça nous est tous arrivé, nan? XD), ce bouton, cette pièce de monnaie sous le meuble… L’enfant voit tout, saisit avec sa nouvelle capacité de motricité fine, et soit nous montre sa trouvaille (que parfois on peine à voir au creux de sa main), soit se le fourre dans quelque orifice.
Cela s’explique avec plusieurs hypothèses : soit c’est l’acuité visuelle qui se met en place (la vue, ce sens qui se perfectionne tardivement), soit c’est parce que le rikiki à leur échelle ne l’est pas tant que ça, soit c’est parce que ça lui permet d’exercer à fond sa motricité fine. Cette période est importante et naturelle, mais faut être alerte ^^’
Pourquoi je vous parle de tout cela ? Peut-être parce que je suis persuadée qu’avec un peu de recul et un peu d’écoute de ce que veut bien nous exprimer notre enfant (même entre les pleurs, les cris et les bouderies), on peut faire du chemin ensemble, main dans la main, vers la route de l’apprentissage ! Être parent c’est d’avantage guider son enfant vers son expérience personnelle, plutôt que de le gaver de savoir qu’on a soi-même acquis.
Mon père m’a cité une jolie phrase de Lao Tseu cet été :
L’expérience n’est une lumière qui n’éclaire que soi-même
Dans un second volet , je vous ferai des propositions pour répondre aux besoins de ces périodes sensibles ! Obligée de le couper en deux, ce billet était vraiment trop long (désolée, j’ai du mal à m’arrêter quand je commence, y’a TOUJOURS à approfondir ! ^^)
Cliquez ici pour passer de la théorie à la pratique !
Vraiment très interessant ! J’ai beaucoup aimé lire cet article, j’y ai appris plein de choses. merci beaucoup !
Avec grand plaisir !!