Aujourd’hui, je dis au revoir à petit T., le tout premier bébé que j’ai en garde, depuis ses quatre mois.
C’est une sacrée histoire. J’avais accroché par mp avec la maman sur le site nounoutop, avant même que T. ne soit né. J’avais pour projet de descendre vivre dans le Sud, et la maman avait pour projet de confier son enfant à une assistante maternelle orientée pédagogie positive. C’est donc naturellement que ça a collé entre nous.
La perspective de ce contrat m’a donné le courage de sauter le pas et de quitter la région parisienne : c’était un saut dans le vide, certes, mais j’avais quand même un élastique au pied !
Petit T est passé de mini-bébé qui sourit à grand bébé qui se met debout, et j’ai été témoin de toutes ces évolutions, quotidiennement. Je l’ai materné, je l’ai consolé, j’ai répondu à ses besoins, et tout cela, sans lien de sang, sans lien de parenté, sans même le lien affectif qui unit deux amis qui s’attachent aux enfants les uns des autres.
Je sens bien la distance fine mais indispensable de l’assistante maternelle avec ses employeurs, et de mon amour pour les enfants avec ceux qui ne sortent pas de mon corps. Je suis bien capable de dissocier amour d’affection.
Et pourtant.
Lorsqu’on entre dans le monde de la petite enfance, on se doit d’être professionnelle, disponible, douce et attentive, tout cela sans attachement.
Alors que l’attachement est ce qui permet à la fois aux parents d’accepter de confier leur bébé, à la fois aux nounous d’avoir de l’empathie et de la compassion pour un petit être qu’ils ne connaissent pas (et quand on connaît pas un bébé, tout le monde se met d’accord pour dire qu’un bébé, c’est relou, vu qu’on le comprend pas!) , l’attachement permet à la famille de l’assistante maternelle de tolérer cet intrus au sein de leur foyer, mais par-dessus tout, l’attachement aide l’enfant à se sentir en sécurité. Que dis-je, l’attachement est indispensable pour que l’enfant se sente en sécurité. Et se laisse aller à passer une bonne journée avec cette dame ou ce monsieur qu’il n’a vu que quelques heures avant l’inévitable moment où papa et maman retournent travailler.
Sans attachement, peut-il exister un accueil de qualité ?
Un accueil, oui. Un accueil professionnel, aussi : la nounou le change, le nourrit, le promène et le fait jouer. Sur le papier, ce n’est pas une mauvaise manière de procéder. Mais qu’en est-il du développement psychoaffectif de l’enfant ?
Décider de confier son bébé à une assistante maternelle (au-delà des places « chères » de crèche car peu nombreuses) c’est aussi désirer un accueil individuel, et par conséquent, avoir espoir que la nounou soit compréhensive, à l’écoute, et présente pour leur petit. Rien que pour leur petit, même s’ils sont cinq.
Et comment être au plus proche des besoins et des émotions de l’enfant si on ne s’attache pas. C’est en créant un lien empathique (et donc, un attachement, heing) que ces besoins-là vont résonner en nous, et que l’on sera en mesure de pouvoir y répondre. Sans attachement, la communication est plus difficile à mettre en place. C’est comme essayer de téléphoner dans un tunnel, quoi. C’est pas impossible, on entend un peu, on répond au mieux, mais ce n’est pas clair.
Ben voilà. Moi j’ai une connexion en 4G.
Je parlais dans une de mes newsletter du fait que je n’arrivais pas à faire semblant, à ne pas m’attacher, et à avoir la juste distance professionnelle qui me permet de ne pas me sentir touchée par les événements qui touchent les familles de mes employeurs. Etant quelqu’un d’un tout ptit peu (trop) entier, les choses que l’on DOIT faire parce que « c’est la vie » parce que « c’est comme ça que l’on se fait respecter » et parce que « ma chérie, c’est ça le monde du travail », hé bien, si je le fais (même avec toute la bonne intention du monde), ça entre en dissonnance avec qui je suis, et tout le monde y perd. Je me sens mal, les parents le sentent, le petit le sent… Tout le monde souffre.
Être authentique dans son métier, c’est grâce à ça que l’on peut acquérir la confiance des personnes avec qui l’on travaille (tout métier confondu). A mon sens, il est plus important de faire des choses qui nous semblent en adéquation avec qui l’on est, plutôt que de vouloir appliquer une théorie parfaite mais qui ne nous correspond pas.
C’est finalement avec notre humanité que l’on touche le monde. Pas avec notre perfection. De toute façon, à trop vouloir l’atteindre, on se perd au passage, j’ai l’impression.
Peut-être que c’était particulier avec petit T, comme c’est ma première fin de contrat. Peut-être qu’à force d’exercer, à force d’aurevoirs, à force de savoir que, malgré les CDI, nos collaborations ont une fin (celle de l’entrée en maternelle au moins), peut-être qu’à force de le vivre, cela me semblera normal. Je glisserai d’un contrat à l’autre comme d’un chien tête en haut à un chien tête en bas ! Mais bizarrement, j’en doute un peu.
Donc, pour les assmat qui arrivent à avoir un véritable lien affectif avec les enfants qu’ils gardent tout en ne se faisant pas happer par leur humanité, je dis, bravo !
Pour les assmat qui préfèrent mettre en avant l’aspect professionnel, sanitaire et sécuritaire du métier avant l’aspect affectif, je dis, respect
Pour les assmat qui n’arrivent pas à garder leur professionnalisme devant les familles et s’en font presque des amis, je dis, courage !
Et pour les assmat qui sont comme moi, un peu trop dégoulinantes, mais toujours pro dans la façon dont ils ou elles éclaboussent les enfants des autres, je dis, j’me sens moins seule, merci !
Un billet fascinant comme toujours ! <3
La mienne doit être un peu comme toi, et pourtant ça fait 10 ans qu'elle exerce ! Mais elle est attachée et chaque départ l'affecte, même si elle sait que cela fait partie du jeu.
Ça doit être difficile à gérer, mais en tant que parent, je crois que je trouve ça mieux <3
<3
Dur de trouver le juste milieu j’imagine… Je pense aussi que chaque couple de parents attend quelque chose de différent de « son » assmat. Personnellement, nous avons trouvé celle qui nous convient. Elle est très pro avec les enfants, leur donne un cadre qui les rassure tout en s’adaptant aux besoins de chacun, on sent qu’elle a énormément d’affection pour les enfants sans pour autant être très démonstrative (pas de bisous et de câlins à outrance par exemple), mais je crois que c’est sa façon d’être et elle nous convient, comme elle pourrait déplaire à d’autres parents… Bref, je pense que l’essentiel pour une assmat est le respect de l’enfant, après c’est une question de personnalités qui s’accordent ou non.
C’est une évidence !
Après moi je ne fais pas de bisous, mais des câlins oui 🙂
L’important c’est que les parents et les assmat s’y retrouvent !
Quand je te lis, j’entends la première assmat de ma fille,qui l’a gardé de ses 3 mois jusqu’à mon congés maternité (ses 2 ans) et qu’on quitte la région. Elle a pleuré aux au-revoirs. C’était la toute petite fille de leur famille de 3 enfants.
Et tu me fais penser à la nouvelle assmat de mon fils (bienveillante à souhait après de tristes déboires avec la précédente). Pareil, mon fils est le petit dernier de sa famille, ses enfants le bichonne, il leur fait des câlins et des bisous, les cherchent le WE et je vois bien que ça la comble de joie ❤️ et moi aussi.
Au final, c’est comme ça que j’attends mon assmat. Comme un partenaire de maternage , d’éducation et d’évolution de mon/mes enfants. Dans mon cas,les deux m’ont apporté et m’apportent énormément dans mon rôle de maman et on est au delà de la relation employé-employeur.
Ça fait plaisir de voir que des personnes comme toi existent.
Continue !
« Comme un partenaire de maternage , d’éducation et d’évolution de mon/mes enfants. » c’est tellement ça ! <3 Merci à toi !
Et oui, pas simple de trouver la juste distance. Mais je pense que sans un minium d’affectivité l’enfant ne peut pas se « nourrir » correctement. En tout cas, en petite partie grâce toi, j’ai fait ma demande pour devenir assistante maternelle 🙂
oh !! trop chouette ! <3
Je pense que je serais comme toi… Tu es comme tu es et tu ne peux pas faire semblant. ET pour être très honnête, je pense que tout le monde devrait faire ce métier car il aime les enfants. Et quelqu’un qui aime les enfants ne peut pas ne pas s’attacher à eux en passant autant de temps à leurs côtés !
Bref, cela m’a toujours rassurée d’avoir une nounou parfois trop attachée à ma fille !
Virginie
C’est tellement juste… Comment peut-on aimer les enfants et ne pas s’attacher ? Indissociable !
Perso, je ne peux pas concevoir qu’on puisse recevoir de manière adaptée des enfants auxquelles on ne s’attache pas. Si le courant ne passe pas, comment comprendre et répondre aux besoins de l’enfant?! Ils passent dans la semaine plus de temps avec la nounou qu’avec leurs parents…perso, je suis bien vite partie des nounous « pro » qui, justement, ne démontraient pas d’intérêt ou d’attachement à mon fils, je n’avais pas confiance.
Celle que nous avons finalement trouvée à ses 1 an, on l’a gardé jusque ses 5 ans. IL a 6 ans et demi maintenant, et elle pense encore à lui pour son anniv, noël ou sa rentrée des classes et je trouve ça vraiment chouette.
Si je devais faire ce métier, je ne l’envisagerai pas autrement!
Tu fais bien et c’est sûrement pour ça que les parents te choisissent.
Je suis tellement d’accord ! Rien qu’en tant que maman, comme toi, je ne pourrai pas confier mes enfants à des personnes qui se désintéressent de mes mômes, c’est de la survie quoi 😀
Ma grande va à la crèche. Mon petit deuxième devait y rejoindre sa sœur. Provisoirement, nous avons fait appel à une nounou jusqu’à ce que la place soit libre. Un soir où nous parlions du prochain départ de notre petit, elle a eu les larmes aux yeux. Alors le soir nous nous sommes questionnés, nous avons fait nos petits calculs d’apothicaire. Il ne l’a pas quittée, nous avons renoncé à notre place en crèche et même si c’est une sacrée organisation le soir nous ne le regrettons pas.
Ce n’est pas un lien de sang, mais elle le cajole, le console, il est souriant, il progresse tous les jours. Elle nous fait du bien à nous aussi, elle nous rassure dans notre rôle de parents, nous fait des gâteaux.
Alors même si je suis très guimauve naturellement (éducation aux Disney oblige), j’ai un peu de mal à comprendre, comment on peut faire ce métier sans s’attacher ? Je me demande souvent comment font les nounous qui arrivent en fin d’accueil quand un petit les quitte pour entrer à l’école, « c’est ça le monde du travail », j’imagine. Certes…
Vous faites un beau métier les nounous, difficile et parfois tellement mal valorisé. Pourtant nous parents, on compte tellement sur vous. Vous prenez soin de ce que nous avons de plus précieux. Moi, sans ce lien d’attachement, je ne pourrais pas partir le matin la tête tranquille et quand parfois mon cœur est un peu gros, je me dis que mon petit est tellement bien là où il est, ça me réconforte et je suis toute joie quand sa nounou le soir me raconte ses petits progrès comme si elle en était fière elle aussi.
C’est si parfaitement dit.
Surtout la dernière petite phrase :3
<3
Beau billet, que dis je très beau billet 🙂
Merci d’être ce que vous êtes… mon petit T. d’amour nautisme je pense jamais évolué comme il l’a fait entre d’autres bras…
Vous êtes une perle qui avait entouré Thymaël de toute votre bienveillance mais pas seulement. Nous parents, en avons beaucoup appris aussi et nous en trouvons changés!
Je vous assure vous nous manquez beaucoup aussi, ainsi que toute votre petite tribu 🙂
(D’ailleurs on parle encore très souvent de vous tous à Thymaël qui sourit toujours à l’évocation de vos prénoms…)
Bref je me perds…
Alors je vous dirai juste un grand merci pour tout! En espérant pouvoir vous revoir à notre prochain passage sur Toulouse… parce que les mamans s’attachent aussi aux trésors qui s’occupent de leurs enfants…
Melody, Thomas, Thymaël et Maëlys <3
Moh trop d’amour <3 Merci pour toute cette gratitude !!
ça fait tout chaud dans mon coeur de nounou/maman/femme !
23h je cherchais un peu de réconfort… Aujourd’hui j’ai laissé partir la toute première petite fille que j’ai eu en garde elle était bébé et je l’ai vu grandir s’épanouir j’ai participé à ses rires et réconforté ses tristesses. Elle était devenue très proche de mon fils ils n’ont qu’un an d’écart. Il fallait lui dire au revoir congé maternité oblige et elle rentre en maternelle en septembre. Alors que je tenais le coup elle s’est jetée dans mes bras et m’a serré tellement fort que j’ai craqué devant les parents en pleurant pour ce petit bout que je ne verrai plus grandir chaque jour. C’est très difficile à vivre je trouve on leur donne tout ils font un peu parti de la famille… Je sais que ça me passera mais hormones ou je ne sais pas ce soir c’est encore a vif.
C’est vraiment pas évident, tu es complètement légitime à ressentir tout ça ! <3