7 ans de cheminement autour de l’allaitement
A l’occasion de la SMAM (Semaine autour de l’Allaitement Maternel), j’avais envie de revenir sur mon cheminement autour de l’allaitement. C’est un sacré virage, que j’ai réalisé ces sept dernières années.
Lorsque j’ai compris que je n’étais pas mes croyances, j’ai commencé à tout remettre en question, même les choses les plus fondamentales.
J’ai baigné dans l’idée que, dans ma famille, on n’avait pas les seins pour allaiter. Oui, je sais, aujourd’hui ça paraît fou de penser un truc pareil, mais y’a pas si longtemps, ce genre de croyances était super répandu !

Avant de devenir mère, je me demandais pourquoi les femmes s’infligeaient d’allaiter. Avoir un enfant pendu à leur sein. D’être ainsi esclave de leur rejeton. Pourquoi elles ne profitaient pas de cette merveilleuse invention qu’était le biberon ? Pourquoi se créer des contraintes quand on peut avoir une solution toute faite ? L’évolution ? J’avais d’ailleurs la même idée à propos de la péridurale, je ne comprenais pas pourquoi les femmes voulaient consciemment souffrir avec un outil pareil à disposition. Et puis, le père dans tout ça ? Quel égoïsme, il ne peut même pas le nourrir ! Vraiment, ça me dépassait.
Peut-être me serais-je pas posée la question si j’avais été moi-même allaitée, ou si mes tantes, les voisines, les amies de mon entourage, les femmes dans les films et les séries télé sortaient un sein pour nourrir leur bébé. Non, moi j’avais grandi entouré de pubs pour le calcium et de bouteilles de lait. Alors, allaiter ? C’était vraiment quelque chose de dépassé !
Moi et mes jugements empruntés des mémoires collectives, moi la fille à la lignée de biberonneuses, moi la jeune qui donnait son avis sans même s’être informée, qui répétait ce qu’elle avait entendu et qui lui semblait être juste. Moi, la femme qui n’avait pas regardé plus loin que ce qu’elle avait appris par imitation. Je grimaçais devant des photos d’allaitement, je trouvais les femmes impudiques. Je ne comprenais pas pourquoi diable elles ne restaient pas prostrées chez elles, puisqu’elles se dénudaient ?
« Tu comptes l’allaiter ? »
En 2011, enceinte de mon premier enfant, la réponse était automatique, presque déconcertée face à cette question posée : « bien sûr que non ! »
Je me rappelle cette altercation avec le mec d’une copine de l’époque : « Je ne comprends pas comment tu peux être si catégorique, alors que l’allaiter c’est ta réponse naturelle ! » J’avais décidé, suite à cet échange, que c’était pas un mec bien, de juger si sévèrement une femme enceinte (aujourd’hui, je pense que la forme n’y était pas, j’aurais eu besoin qu’on m’explique, pas qu’on me condamne, mais le fond, je le comprends mieux.)

En 2012, mon bébé dans les bras m’a poussé à changer d’avis. Sans qu’il ne m’ait demandé la permission, j’ai vu ce petit être de quelques minutes ramper instinctivement jusqu’à mon sein, et le prendre en bouche. Je n’ai pas de mots pour exprimer ma surprise, ma fascination et mon émerveillement face à cette expérience qu’il m’a offerte, et que j’aurais refusé si elle m’avait été demandée.
Cette tétée m’a semblé durer des heures. On était bien, dans notre bulle, mon bébé tout neuf et moi. Le temps s’est effacé. C’est à ce moment-là que je me suis sentie naître mère. Et puis… Cette question sonnait finalement étrange, on m’a demandé si je voulais continuer d’allaiter, parce que sinon, il fallait que je prenne des cachets anti montée de lait. Et de la même façon que j’ai accepté la péridurale, j’ai accepté les biberons : par peur.
Peur de ne pas savoir faire, peur de m’en vouloir d’avoir fait un choix que je regretterai parce que trop compliqué, trop inconnu, trop « sortie de zone de confort ». Alors, notre aventure lactee s’est arrêtée sans même n’avoir vraiment commencé. Seul me restait cet avant-goût de bonheur absolu, cette décharge d’ocytocine qui s’est imprimée dans mon coeur comme l’un des plus beaux souvenirs de ma maternité.
Hasard ou pas, notre fils avait, comme tous les bébés, un système digestif immature, et on s’est baladé de pédiatre en pédiatre pour finir au lait végétal jusqu’à ce qu’on ose un jour lui donner des yahourts autour de sa première année. Je me sentais responsable, comme punie par le sort, et à ce moment-là, je me suis dit que notre enfant nous offrait le courage de sauter le pas la prochaine fois : pour notre deuxième enfant, j’allaiterai.
Allaiter ? Oui mais sans pression !
En 2014, enceinte de mon deuxième fils, ma réponse se dessine moins certaine de mes capacités, mais sûre de ne plus être catégorique : j’allaiterai mon bébé. Si jamais je peux. Je me planquais derrière des « si » pour justifier mes croyances passées. J’avais été si vénimeuse par le passé… Et si on me rejetait, maintenant que j’avais changé d’avis ?
Entourée de peu de mamans allaitantes qui avaient eu l’air de n’avoir aucune difficulté en début d’allaitement (le bol haha), je pensais naïvement qu’allaiter était le truc le plus spontané du monde.
Mon expérience tétée de bienvenue ultra agréable deux ans et demi avant m’avait confortée dans cette idée. Il ne m’a alors pas semblé indispensable de lire sur le sujet et me renseigner.
Contrairement à son frère, et malgré toute ma volonté, je n’ai pas réussi à lui donner la tétée de bienvenue. Après deux heures d’acharnement et de frustration, j’ai accepté qu’on lui donne un biberon. Je ne connaissais pas la confusion possible entre le sein et la tétine. J’ai ensuite tenté à chaque fois qu’il avait faim de le mettre au sein et j’ai réussi au bout de 3 jours !
Ma mère m’a offert un cadeau inestimable, ce troisième jour à la maternité quand, les larmes aux yeux, mon fils a tété. Elle est arrivée dans la chambre, a vu Champi au sein, a eu un regard émerveillé et reconnaissant. Et elle a dit cette phrase si triste et si belle :
« Si j’avais su qu’avec de la motivation c’était possible, j’aurais persévéré »
Ce jour-là, je me suis sentie valorisée comme jamais. Je venais de briser une croyance familiale. Malheureusement, je n’en avais pas qu’une !
La réussite de la mise au sein coïncidait avec la sortie de maternité et la montée de lait. Je me suis retrouvée à la maison, seule, crevassée, en souffrance de tétons et en souffrance mentale : « pourquoi moi je n’y arrive pas ? Qu’est-ce qui cloche chez moi ? » En engorgement sans réussir à tirer mon lait sous la douche ou au tire lait… Je sombrais petit à petit vers une perte totale en mes compétences, de femme, de mère, de fille normale…
Mon bébé a toujours été en allaitement mixte, et ça a duré un petit mois. Alors qu’à la fin ça se passait mieux, les tétées se sont espacées jusqu’à disparaître. Oh, on m’a bien dit de tenir le coup. On m’a bien promis que les douleurs passeraient. Mais j’étais trop malheureuse de l’expérience. Trop blessée. Trop vexée. Trop isolée. Les trois copines qui me soutenaient pendant cette période n’étaient pas passées par là. Elles étaient compatissantes, mais je me sentais quand même seule dans mes ressentis et j’avais l’impression d’être un cas à part. Un échec. Ma croyance familiale résonnait à fond dans mes oreilles : je ne suis pas faite pour allaiter.
A cette époque, je ne connaissais ni la Leche League, ni l’existence des conseillères en lactation. J’ai eu un deuil de l’allaitement assez violent qui a duré bien six mois. J’étais déçue de moi, j’avais un sentiment d’échec et je me disais que je ne pourrai pas utiliser cette foireuse expérience pour en faire une force puisque Champi était hypothétiquement mon dernier enfant. Je me disais juste que je n’avais pas été assez, et que je le regrettais. Mais une autre part de moi était fière. J’étais tellement fière d’avoir donné tout ce que je pouvais avec les informations à disposition. Fière d’avoir persévéré pour vivre ces quelques semaines lactées.

Allaitante un jour…
Je n’ai pas allaité longtemps mon fils, mais je me suis sentie, dès lors, allaitante. Je soutenais les jeunes mères qui doutaient, je parlais de mon expérience, pour montrer que c’était possible que ça se passe pas tel qu’on l’avait souhaité, et que ça valait le coup, même si ça ne durait pas aussi longtemps qu’on l’espérait.
Je me suis positionnée professionnellement comme Assistante maternelle pro-allaitement, j’encourageais les mères qui voulaient poursuivre leur allaitement en montrant mon enthousiasme et mon émerveillement, en leur exprimant, dans une posture non verbale, ma joie de les voir allaiter, et en les mettant à l’aise, pour qu’elles comprennent que, chez moi, allaiter était naturel et sans tabou, qu’elles pouvaient sortir leur sein pour nourrir leur bébé quand bon leur semblait, et que j’étais à leur disposition pour les aider de toutes les manières possibles. Je n’allaitais plus, mais l’allaitement faisait partie de ma vie.

… Allaitante toujours
Devenir mère, ça aide à prendre confiance en soi et en ses choix. En fait, ça permet de savoir quels sont nos réelles envies. On quitte les croyances de la « non maman qui a un avis sur tout » pour glisser dans la « mère à convictions qui se dessinent ». Après, le plus gros du travail, c’est d’accepter qu’être devenue maman nous a transformée, et assumer cette transformation. Un long chemin, surtout pour une fille qui a pour habitude de se rallier à l’avis majoritaire de son entourage.
C’est fou d’avoir cru qu’allaiter était un simple choix. Pour moi, ça a été un combat. Ça ne devrait pas être tabou de dire comme on a mal, comme on a envie de tout arrêter, comme on se sent nulle, parce que c’est aussi en parler qui permet de voir qu’on n’est pas seule et qui permet de réussir à traverser tout ça. J’étais cruellement seule en 2014. Je pense même qu’une part de moi avait honte, sinon, pourquoi me serai-je empêchée d’en parler ? Mais, comme cela semblait révéler de l’intimité, je n’avais pas songé à exposer mon problème. A prendre le risque d’avoir des solutions.
Mon arrivée sur instagram m’a fait voir une autre vision de l’allaitement. J’ai pu lire, et me conforter dans l’idée qu’avec de l’information, cela n’est plus aussi isolé que ce que j’avais pu penser. En se retrouvant sur les réseaux, j’avais devant moi des centaines de femmes au début d’allaitement chaotique. C’était rassurant et aussi un peu culpabilisant : je m’en suis d’autant plus voulue de n’avoir pas su. Mais, le temps a passé, je me suis pardonnée, et j’ai fait mon deuil de l’allaitement qui me ressemblait : celui qui correspondait à mon âme : l’allaitement non écourté. Naturel.
Et cette grossesse, comme un cadeau.
2018, je tombe enceinte par chance-hasard-miracle-improbabilité-surprise-accident-récompense.
J’apprends donc que je vis une troisième grossesse. Qu’un troisième bébé me sera confié. Le premier achat que je fais, pour fêter cette nouvelle vie qui va rejoindre notre famille, c’est acheter le livre de la Leche League : L’art de l’allaitement.
Je n’étais plus en mode « l’allaitement oui mais sans prise de tête ». Non. J’étais dans une dynamique active : JE VEUX RÉUSSIR à allaiter mon troisième enfant. Je veux m’informer, comprendre, avoir les clés, avoir la foi, la confiance en moi, me sentir capable. JE VAIS RÉUSSIR.
Grâce à la découverte que j’avais fait au travers de ma propre expérience, et la rencontre de mon moi véritable à travers le yoga, la démarche pour cette dernière grossesse était toute autre, et c’est d’ailleurs cette unique volonté qui m’a menée à l’accouchement à domicile que j’ai vécu, puisqu’en lisant sur l’allaitement, il a été question de la péridurale qui peut entraver la première mise au sein. Forte de ma volonté, je m’étais dit « Et si j’accouchais naturellement ? » La suite, vous la connaissez, ou vous pouvez la lire ici !

Je partage le post écrit à la précédente SMAM pour montrer l’état d’esprit :
« Je n’en suis qu’à 5 semaines d’allaitement, et j’ai déjà traversé les douleurs de ma précédente aventure : crevasses, engorgements, sentiments dévalorisants… La différence ? C’est que je suis déterminée. Au-delà de ces douleurs physiques, j’ai étouffé les souffrances mentales : non, je ne suis pas nulle, non, ça n’arrive pas qu’à moi, oui ça fait mal, mais je tiens le coup, parce que c’est important pour moi de me prouver que je peux y arriver. Parce qu’à mon sens, c’est important pour mon bébé.
J’ai eu une mastite. J’ai eu une brûlure au tire-lait, j’ai extériorisé, je ne suis pas restée enfermée dans mes douleurs. J’ai parlé, beaucoup, à des amies qui m’ont aidée. Je me suis sentie soutenue par instagram, par ma famille, tellement par mon mari ! Mes enfants aussi m’ont aidée, car leur douceur face à mon allaitement, leur tendresse.. Je ne me sens pas coupable. Je suis dans le juste. J’ai beaucoup pleuré, beaucoup crié à l’injustice. Isa ma sage-femme ne m’a pas lâchée les premères semaines. J’ai traversé ces jours qui me semblaient être des mois, et, entre acharnement et persévérance, j’aime me dire que j’ai donné tout ce que j’avais, que je n’allais pas abandonner maintenant, à chaque fois que je traversais une tempête, et aujourd’hui, j’ai l’impression qu’on est lancé. Même si tout n’est pas complètement résorbé, 5 semaines d’allaitement exclusif, sans tétine, sans biberon, sans me dire « j’ai envie d’arrêter », pour moi, c’est une belle victoire. «

Aujourd’hui, ça fait un an (et cinq semaines donc ^^) que j’allaite. Je n’aurais jamais cru écrire ces mots un jour. L’allaitement, c’était pas pour moi, pas pour les femmes de ma famille. Et pourtant, je trouve dans cet acte tout l’amour, toute la puissance, tout le lien et toute la joie simple d’être maman.
Cette femme de 2011, ce n’était pas moi. C’était le simple reflet des influences de ma vie. Depuis, je me suis éveillée. Et la femme que j’ai choisi d’être, celle que j’assume, celle que je suis fière d’incarner, c’est une mère qui se rapproche à la fois de la terre et du ciel. Une femme enracinée, qui se connecte au divin. Une femme qui est en symbiose avec l’énergie du monde.
L’allaitement est, à mon sens, un des choix qui colle le plus avec cette idée de racine et de divin.
C’est bien que tu aies existé, la Ary d’il y a 7 ans. Ça me permet de voir à quel point aujourd’hui je suis alignée.
Je suis fière de voir que je porte sur moi mon authentique vêtement naturel. J’ai encore beaucoup de croyances limitantes à déraciner, mais plus j’avance, plus je gratte les couches de fausses idées, et plus je suis face à un arc-en-ciel éblouissant.
L’allaitement, c’est un choix, c’est un droit, c’est un combat, chacun y voit ce qu’il désire. Pour moi, ça a été une récompense, le cadeau d’une vie qui s’épanouit et se découvre.

Laisser un commentaire