J’ai hésité à écrire ce billet, parce que, comme à chaque fois, j’ai peur que ça retombe sur mes fils à l’âge de l’adolescence. Vous savez, comme la fois où j’ai publié une photo de mon petit en robe, complètement pris dans la joie que procure le fait de tourner dans un vêtement (tiens, je vais la remettre plus loin, pour la peine). Et, comme cette fois-là, je me dis aussi que c’est à force de ne pas montrer, à force de se censurer, qu’on entretient ces croyances. Je ne sais pas si je conserverai ce billet dans le temps, probable que je le supprime, mais j’ai ressenti le besoin de poser les mots ici. Pour normaliser et pour témoigner. Pour exprimer mes espoirs pour le futur.

Protégée dans ma bulle familiale, ça faisait longtemps que je ne m’étais pas sentie en non-appartenance avec le reste du monde. Ça n’a pas manqué, à la fin de l’année dernière (oui j’ai dû process avant d’écrire ^^) .
Solaire décharge le soir (aussi fort ce n’est pas dans ses habitudes). Après avoir pris du cortisol en pleine poire, je reconnecte mon neocortex et j’arrive à articuler : “Comment s’est passé ta journée ?”
Mon fils fond en larmes, je le prends dans mes bras.
“On a dit que j’étais une fille, parce que j’avais du vernis”

Je me frappe la tête mentalement en me jugeant sévèrement “Mère indigne, tu n’as pas vérifié que tout son vernis était enlevé après le bain de dimanche, tu l’as laissé aller à l’école comme ça ! Shame shame !” La colère monte [contre moi] puis j’me rends compte comme c’est idiot, et comme ce n’est pas de ma faute ! Que c’est le Monde dans lequel on vit qui pousse les enfants de six ans à juger leurs camarades qui osent être pleinement eux sans cases et sans limites.
Il m’a raconté. Il était heurté parce que, le rose, les paillettes, il sait. Il sait que pour les autres, c’est pour les filles, et il se “défend” lorsqu’on lui fait des remarques à ce propos, car il est au courant. Mais, le vernis arc-en-ciel, il ne savait pas. Il s’est senti humilié, car il a été pris de court. Parce que dans sa tête à lui, pourquoi se peindre les doigts et vert, jaune, bleu, rouge, serait réservé aux filles ? Pour lui, le rose, les paillettes, les licornes et les lapins, c’est autant incohérent que ce soit Girly. Mais il connaît les codes à force d’y être confronté. L’arc-en-ciel, il ne s’y attendait pas. Il l’aurait peint sur une feuille, il l’aurait eu sur un t-shirt, ça n’aurait pas été pareil, mais voilà, c’était sur ses doigts.
Il m’a dit “Maman, il FAUT que tu m’enlèves mon vernis, parce qu’on se moque”. Puis il a pleuré de plus belle et il a dit “Mais moi, je l’adore, mon vernis !”

J’ai pleuré avec lui, j’étais pas prête à ça. J’étais en colère contre l’univers entier, contre ces dizaines d’années où on nous a foutu dans la tête que rose, paillette, bleu, mitraillette, tout ça c’était genré. Je n’ai pas “Hold the space” pour lui. J’en étais désolée, j’en étais incapable. Je lui ai expliqué. J’ai pleuré avec lui. Je lui ai dit que j’étais désolée qu’il vive dans ce monde, et que les enfants colorés comme lui étaient un trésor. J’ai dit que j’étais fâchée, révoltée, j’ai raconté, j’étais blessée.
On s’est calmé tous les deux.
Puis, il m’a dit “Demain, j’irai à l’école avec mon vernis. Après tout, si personne leur montre qu’ils se trompent de croire que ça nous est interdit, ils sauront jamais.” (putain cet enfant sacré quoi)
Ensemble, nous avons regardé des dépliés qui reprennaient les « codes genrés » et les cassaient, et c’était vraiment un précieux moment en famille.
Je vous mets le lien ici
« Pour les filles » via Mamanrodarde
« Pour les garçons » via Mamanrodarde
Le lendemain soir, quand je lui ai demandé comment s’était passée sa journée, il m’a dit “On m’a pas traité de fille, aujourd’hui, mais ceux qui l’ont fait hier m’ont demandé pourquoi je portais du vernis.”

Et j’ai trouvé ça super représentatif.
D’abord, on juge.
Parce qu’on ne comprend pas. Parce qu’on n’est pas habitué à ça. Parce qu’on répète ce qui est ancré dans nos cellules, comme vérité absolue, sans même savoir quoi en penser.
Puis, on revoit la situation se produire. Ca crée quelque chose en nous. Un point d’interrogation. De suspension.
Et on commence à poser des questions.
Sois le changement que tu veux être dans le monde.
Et surtout. Sois absolument, pleinement, intégralement, toi-même.
Attention, j’suis pas en train de te dire que pour être ouvert, accueillant, inclusif, tu dois mettre du vernis à ton fils. Je suis en train de te dire qu’il serait temps qu’on apprenne à nos enfants la liberté d’être eux-mêmes, et l’empathie envers les choix différents des autres. Je souhaite un monde plein de douceur et de compréhension. Et si je n’incarne pas ma propre vision, alors, je ne peux pas l’imposer à mes enfants.
Mon fils, mon enseignant de vie.

Piouf emouvant cet article. Merci de partager c’est tellement important.
Waw ! Que d’émotions et de beauté dans cet article. Merci de contribuer au changement en nous partageant cela avec foi et confiance. Ton fils est un Maître 🙏🏻
Merci pour ce partage, il a une grande force ton fils !
Ma fille de 3 ans ne veut pas que son petit frère chante « libérée délivrée » parce qu’on lui a dit à l’école que cette chanson était pour les filles… c’est tellement triste que le clivage arrive si jeune.
Je le trouve incroyable aussi, il me guide, j’te jure !
Et pff, dur dur de voir que dès la toute petite section c’est compartimenté…
Mais ta fille veut surement protéger son frère. C’est triste